Simply the Best

Simply the Best

Non mais tu vois c’était une autre époque. C’était nouveau. On n’avait jamais vu ça. Le type qui débarque de Belfast, Irlande du Nord, à Manchester United, Angleterre du Nord, parce que repéré par un scoot qui aurait signé ce télégramme qui le plaçait déjà sous le signe de l’ineffable : « j’ai trouvé deux jeunes : un bon et un génie ». Les Red Devils avaient perdu huit types dans un crash aérien à Munich en 1958. Non ce n’était pas un attentat. En 1963 tu le vois dribbler avec insolence au milieu des fantômes, sous les ordres du miraculé Matt Busby, entraineur et père de substitution, dans l’équipe de l’austère survivant Bobby Charlton, pas de la même veine. Car lui non, non, non, rien n’à voir. Cheveux longs et barbe naissante ou fournie, le maillot hors du short, ce putain de ballon qui lui collait au pied comme les plus belles filles du Swinging London, les naïades de Marbella ou les actrices de Los Angeles, les princesses scandinaves. Tout l’univers. Beau gosse ? Putain, mais c’était un scarabée ! Le cinquième Beatles. On ignorait alors qu’à 22 ans il avait déjà joué le plus grand match de sa carrière. L’acmé c’était la victoire contre le Benfica d’Eusébio à Wembley en finale de coupe d’Europe, signe du fatum pour tous les disparus de Munich dix ans plus tôt, perdus, morts ou vifs. Et puis il y eut Eva, Juliet, Lindsay, Annette, Stephanie, Susan, Jenny, Mary… On disait qu’à 24 ans il avait couché avec mille femmes.  Lui disait qu’il ne s’était pas tapé sept miss Monde. Faux, seulement quatre. Mais c’était parce qu’il n’avait pas honoré le rendez-vous des trois autres. Et puis qu’est-ce qui s’était passé dans cet hôtel écossais aux débuts des années 80 ? Etait-il au lit dans les bras de Blondie, tu parles d’une surprise ? Ou s’était-il évertué à coucher l’équipe de France de Rugby, venu essuyer une défaite à Murrayfield et en troisième mi-temps l’humiliation d’être enterrée à l’alcool par un footballeur britannique ? Debout ou couché, l’alcoolisme ou la croix. Le prix à payer pour être Apollon et Achille, une icône et un héros. Putain de vodka orange, amie des nuits, des ennuis, fatale ennemie. Tout alla si vite. Si vite mais comment faire aussi, un matin gris au volant d’une Jaguar ou une nuit blanche à fond en Lotus jaune ? Et puis un jour dans cette Rolls Royce, la même que celle d’un frère Gibb, qu’il a dû se résoudre à laisser moisir au garage pour oublier les tags quotidiens de supporters envahissants et autres fans hystériques en mini-jupe. Ivresse, banqueroute, prison, greffe du foie. Le foot, l’alcool, les femmes et les voitures. Dans quel ordre ? Attends, non, non, non, rien n’à voir : moi, je te parle d’une Weltanschauung, pas de pauvres listes à puces à la Nick Hornby ! A l’article de la mort, transfusé de 20 litres de sang et au réveil être capable de dire : « dix heures pour quarante pintes, j’ai battu mon record de 20 minutes ». Il n’y aura pas de rachat. Trop tard. Not fair. Deux mariages évidemment naufragés, un fils et combien d’enfants perdus ? Et combien d’amis d’un soir ou d’une vie ? Et combien de vodkas orange ? Et combien de girls next door ? Et combien de Miss Univers ? Et combien de buts mythiques ? Et combien de fois tu te dis que toi aussi tu aurais aimé monter dans la Jag quand « ce jour-là, sur la carrosserie, s’est assis un fantasme de femmes et une conversation de garçons » ? Tu vois ce que je veux dire, non ? Tu ne vois donc pas l’épitaphe des supporters endeuillés à Old Trafford à l’hiver 2005, zoom caméra sur un tifo accroché aux grilles : « Maradona Good, Pelé Better, George Best » ?

1 Comment

  1. V · 11/08/2014 Reply

    Je rajouterai cette citation, qui présente bien le personnage : « Mon argent je l’ai dépensé en voitures, en femmes et en alcool. Le reste, je l’ai gâché. »

    Tout George en une phrase 🙂

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