A lui tout seul

A lui tout seul

LES MORTS VONT BIEN / K-X-P / JESSICA93
Winter Camp festival#3
Paris / Point Ephémère
Samedi 13 Décembre 2014

Au point FMR, les morts vont bien. Non ce n’est pas un incipit cynique, critique et cryptique, qui voudrait qu’on assimile les spectateurs de cette salle parisienne à des créatures de Georges P. Romero, bande de zombies joyeux de vivre l’expérience d’un fugace concert en décembre. Les morts vont bien, c’est le nom du premier groupe à se produire ce soir du 13 décembre 2014 dans le cadre de la 3ème édition du Winter Camp festival. Elle, elle chante en allemand après que Lui ait demandé à l’ingénieur du son qu’on règle son micro car « elle n’a pas de voix ». Lui, il tape frénétiquement sur une grosse caisse qui crisse comme un métal hurlant. Il vient de se lever ou il va se coucher : c’est pour ça qu’il porte un pyjama sur scène. Pour les non-germanophones, impossible de savoir si les paroles sont des crachats féministes qui feraient rire Nina Hagen, du niveau de l’autocollant collé sur le séquenceur et une guitare : « ma voiture est ma bite ».

Et dire qu’on a failli confondre cette cacophonie approximative et mal balancée avec K-X-P, desquels on eut le temps de lire la chronique relativement louangeuse de l’Agence de Notation. Ceux qu’on présente comme des scandinaves venus des confins septentrionaux de l’Europe nous apparaissent comme des envoyés d’une lointaine lune forestière. Tout de noir vêtus, poilus et barbus, hoodies sur le crâne pour dissimuler leurs visages… des Ewoks ?! Cette vision aliénée par la propagande planifiée sur un an du nouveau produit de la franchise Star Wars accélère notre plongée dans la transe spatiale proposée par K-X-P. On ne sait plus où on est. Est-ce Giorgio Moroder à Detroit ? Ou un avatar de Johnny Lydon dans un MMORPG ? Cris et borborygmes filtrés par la machine, guitares et basses saturées, textures synthétiques en boucle et puis, surtout, cette rythmique décuplée. Deux batteurs marathoniens qui émulent de virtuosité, dédoublent le beat ou le perturbent, le rendent cardiaque et arythmique… Putain mais c’est du jazz expérimental n’hurlerait pas le post-kraut-rockeur ignorant !

Un mur d’enceintes. Voilà le seul groupe avec lequel accepte de jouer Jessica93. Seul, dans sa tour Marschall. Il déclenche ses séquences programmées d’avance qu’il couvre de boucles de basses et de riffs curistes. J93 est le pornographe cold wave le plus en vue du moment. Après deux EP remarqués (Who Cares et le tout récent Rise, sortis chez Teenage Menopause Records), Geoffrey Laporte continue de ne regarder que ses chaussures. Il offre un set je-m’en-foutiste, sincèrement punk. Goûtons à son « Poison ». Sur l’implacable « Away » se déclenche un flower pogo inattendu au milieu d’une fosse suintante de bière et de sueur. Mais malgré l’engouement naissant qu’il suscite, notre pseudo (de) skyblogueuse est déjà au milieu du gué. La mini-scène du point FMR semble être son test de Turing. Sa prestation se situe sur une ligne floue entre intelligence et artifice. On parie que Jessica93 ne pourra pas éternellement poser au Rémy Bricka du shoegazing sans finir par s’auto-parodier. En attendant, il s’élève. Et finit d’un « Asylum » particulièrement emballant, conclu d’un geste d’une indécidable fausse modestie : non, ce n’est pas lui qui plonge dans la fosse. C’est sa guitare qu’il envoie balader façon stage diving. Ultime clin d’œil iconoclaste à ces bons vieux rituels sacrificiels célébrant l’arnaque du rock and roll.

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