A band called

Death

DEATH
Detroit, 1973.

Les frères Hackney s’étaient choisis leurs armes : David à la guitare, Bobby à la basse et au chant, Dannis à la batterie.
Noirs, ils auraient dû faire comme tout le monde.
Du rythm’n blues industrieux façon Motown, ou peut être un funk plus freelance.
Sauf que David Hackney verra un jour les Who en concert. Ils se choisiront une autre voie…
Tous les après-midi de ces early seventies, maman leur laisse quartier libre.
Chaque jour, entre 15 et 18h, les Hackney se forgeront un son nouveau.
Inouï, gras, lourd, sourd, vif, brut.
Il y a bien un mot synthèse. Mais on ne le trouvera que plus tard, pour qualifier d’autres furieux qui relanceront cette bonne vieille arnaque du rock’n roll.
Dans leur quartier ça grince.
« Putain mais c’est quoi cette musique de blancs » ?!
On tape à leur porte. On tape contre leurs murs.
Keep on knocking sera leur premier morceau.

Leur père meurt inopinément dans un accident du travail.
David Hackney entraîne alors ses brothers dans une quête spirituelle.
Il impose une image, une mystique, un nom de groupe.
Ce sera DEATH !
Car la mort c’est le seul truc réel.
L’ultime voyage.
La face cachée de la vie.
Le négatif c’est le positif.
Le père meurt, les enfants (re)vivent.
Idée géniale ? Oui. Non. Pas vraiment…
Malgré leur son proto-punk totalement inédit, le nom DEATH sera leur pire handicap. A quoi s’ajoute l’intégrité (l’intransigeance) du leader David.
La mort, une malédiction ? On aurait pu s’en douter. Les enregistrements réalisés à l’époque ne seront jamais publiés. En 1976, sort un 45 tours à compte d’auteur, tiré à cinq cents exemplaires, au milieu du désert et pour (presque) personne.
DEATH n’est ni mort ni vivant, part en exil. Puis s’évanouit, avec son nom maudit.
Les Hackney sombrent dans le côté lumineux, font un passage oubliable dans le gospel rock.
Puis ce qui les unissait les sépare.
Deux frères sans guitariste se branchent sur un reggae bonhomme.
Une flopée de nouveaux Hackney vient au monde et ils reprennent à leur tour la guitare, la basse, la batterie.
La vie continue.
La mort aussi.
Elle finit par enlever David, qui a trop côtoyé les démons.
Ironiquement, quelques années après la mort de son leader, DEATH finira par renaître et par rayonner.
Intervention divine ? Ou occulte ?
Un autre père meurt, d’autres enfants le font revivre…

Un documentaire raconte l’histoire de la famille Hackney.
Comme tant d’autres avant lui, comme tant d’autres après lui, il n’échappe pas à cette forme d’explication téléologique qui sied bien à l’édification des légendes urbaines (l’oscar du « documenteur » ayant déjà été accordé à Searching for Sugar Man).
Il n’empêche, voyons ces archives : photos d’époque habilement mises en valeur, canulars téléphoniques hallucinants, entretiens audios qui laissent vibrer le grain de la voix et des (in)certitudes, cette vidéo enfin littéralement fantastique et qui permet de dresser l’équation un mariage = un enterrement. Tout cela et les rires à gorge déployée des Hackney brothers. Dans l’un des témoignages d’autorité convoqué, ?uestlove (The Roots) dit en substance : « Death, ben c’étaient les Ramones quoi ! Sauf que c’était deux ans avant les Ramones… »

Le mini-LP …For the whole world to see, sept titres enregistrés en 1974/75 retrouvés dans un grenier, est finalement édité… en 2009. Quelque part dans les nuages, David et ses frères continueront de toiser dans les yeux ces politiciens, qui vivent de faux sourires.

Morts de rire.

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